Matériau en usage depuis l’Antiquité, le bitume s’est imposé comme le plus efficace et le plus économique pour nos routes : il couvre ainsi 95% du réseau autoroutier français.

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Tout d’abord une petite interrogation nous assaillit : le bitume oui... mais encore ?

 Qu’est-ce donc ?

Les bitumes sont des mélanges d’hydrocarbures et de leurs dérivés sulfurés, azotés et oxygénés.
Solides, liquides ou de consistance molle, leur densité varie entre 0,7 et 1,6. Ils recouvrent en théorie toute la gamme des produits allant du gaz de ville aux hydrocarbures lourds ; toutefois, l’usage réserve le mot aux produits les plus lourds.
Les bitumes sont souvent assimilés aux asphaltes, qui sont en fait des bitumes chargés de matières solides (sables ou roches pulvérulentes ).

Dans la nature, les bitumes sont disséminés dans des roches dont ils occupent les portes ou les anfractuosités.
On distingue les oxybitumes, résultant de l’oxydation des hydrocarbures naturels et qui sont généralement associés à des roches calcaires (l’asphalte, par exemple ), et les pyrobitumes, résultant de leur pyrogénation et qui imprègnent les roches calcaires ou les schistes.
Les plus importants gisements de bitume se trouvent en Russie, au Canada, au Venezuela, en Suisse et dans la vallée du Jourdain.

Le bitume a été utilisé dans la Mésopotamie antique comme ciment ou pour assurer l’étanchéité de constructions ou d’embarcations.
Les Égyptiens l’employaient dans leurs techniques d’embaumement des corps.
Actuellement, les bitumes, résidus de la distillation du pétrole, se sont substitués, dans l’industrie, les travaux publics et le bâtiment, aux bitumes naturels.

 Héliogravure ?

Mais si l’on considère le bitume de Judée , on approche un autre domaine qu’est la photographie.

Après ses déconvenues avec la résine de gaïac, Niépce emploie une résine d’origine minérale : l’asphalte, ou bitume de Judée.

Le bitume de Judée, produit photosensible, est une sorte de goudron naturel, connu depuis l’Antiquité. Les Anciens le récupéraient à la surface de la mer Morte (en grec, lac Asphaltite ), où il remonte continuellement du fond des eaux. On s’en servait pour embaumer les momies chez les Égyptiens, pour calfater les navires, ou encore pour recouvrir le sol à Babylone. Au XIXe siècle, on savait déjà l’extraire des roches bitumineuses, si bien que le bitume utilisé par Niépce ne venait pas de Judée.

Niépce montre que sous l’action de la lumière le bitume de Judée devient insoluble dans ses solvants habituels.

À partir de 1822, Niépce réussit à reproduire des dessins placés en contact avec des supports enduits de bitume (plaques de verre, pierres calcaires, puis plaques de cuivre ou d’étain ). Il utilise ensuite la technique de l’eau-forte pour graver à l’acide les images obtenues et les imprimer sur papier. Ce principe est encore actuellement à la base de la photogravure, employée pour reproduire les photos et les documents graphiques.

En 1824, il place des pierres lithographiques recouvertes de bitume au fond d’une chambre obscure et obtient pour la première fois au monde l’image fixée d’un paysage. Il faut cependant un temps de pose extrêmement long, quatre à cinq jours en plein soleil. À partir de 1825, il utilise régulièrement le cuivre comme support, puis l’étain en 1826, et réalise des images gravées.

C’est ce que l’on appelle l’héliogravure...

 L’art Sumérien ?

Les Obeïdiens produisent une céramique domestique consistant en vases et en ustensiles modelés et peints de motifs géométriques ou figuratifs ; en utilisant l’argile, ils sculptent également de petites figurines anthropomorphes mesurant de 15 à 20 cm de hauteur et dont les têtes coiffées de bitume présentent un aspect reptilien très prononcé.

Ne disposant pas de ressources métalliques, ils utilisent des faucilles en terre cuite mêlée de quartz ainsi que des houes en pierre.

Leurs contacts avec le monde extérieur se limitent à une modeste importation d’obsidienne et de bitume.

Dans le domaine de l’architecture, on leur attribue l’invention dès cette époque de l’arc, du dôme, de la colonne et même de la voûte en berceau.

C’était 3500 ans avant Jésus Christ ...

Mais revenons après cette courte disgression, au sujet qui nous préoccupe : le bitume .

 Bitume naturel ou résidus de distillation ?

Et le long ruban gris dans tout ça ?

Les hydrocarbures font leur apparition dans la voirie au début du XIXe siècle en Grande-Bretagne, où d’importants stocks de goudron s’accumulent.
Provenant de la distillation de la houille, ce matériau va donner naissance à un revêtement de sol inédit : le macadam (du nom de son concepteur, Mac Adam).

Celui-ci, appliqué sur la chaussée permettait d’éliminer boue et poussière engendrées par le passage des véhicules. Ce sera la première innovation en matière de revêtement depuis la route pavée ou empierrée, datant de l’époque romaine.
Cependant, l’emploi du macadam ne va se généraliser qu’un siècle plus tard avec l’avènement de l’automobile.

Aujourd’hui et pour des raisons sanitaires, le goudron n’est plus utilisé. _ La conception du revêtement autoroutier recoure désormais au bitume artificiel.

Ce matériau est obtenu par la distillation et l’oxydation du pétrole brut dans des raffineries.
Il n’entre dans la composition de l’enrobé proprement dit qu’à hauteur de 6% en tant que liant.

L’enrobé ?

L’enrobé est constitué de plusieurs types de graves (cailloux, gravillons et sable) liées par le bitume. Il constitue la couche supérieure d’une superposition d’autres couches (assise, fondation, etc.) sur laquelle circulent les véhicules.

Les différentes couches sont dans le détail :

  • La couche de roulement (là où nos tendres et chers - !- pneus roulent)
  • La couche de liaison
  • La couche de base
  • La couche de fondation
  • La couche de forme
  • Le sol (enfin...)

L’épaisseur des différentes couches (hors sol) peuvent atteindre 40 à 50 centimètres ; on comprend mieux le prix d’un kilomètre d’autoroute ...

Malléable, l’enrobé est un matériau qui s’adapte facilement à la géologie du terrain et aux conditions climatiques.
Le revers de la médaille est une forte sensibilité à la chaleur et au froid, accélérant le rythme des dégradations sous l’effet du roulement et du stationnement.

Avec le temps, des ornières se forment en surface. Il convient alors de refaire entièrement la chaussée (tout les dix ans environ, au rythme maximum de 7 km par jour) ou de la réhabiliter suivant la technique de thermorégénération.

L’enrobé bitumineux : un matériau à forte technicité ?

L’enrobé dit “drainant” est un bon exemple du contenu technologique insoupçonné de ces produits.
Cette technique permet de réduire le niveau sonore et d’évacuer l’eau de pluie plus efficacement en optimisant le degré de porosité des enrobés classiques.

Une telle sophistication peut cependant avoir quelques inconvénients (outre le coût de revient supérieur).
En effet, plus la structure est aérée et donc absorbante, plus le coefficient d’adhérence baisse.
D’où, par exemple, un allongement des distances de freinage. Le risque augmente encore en cas de gel (jusqu’à la fermeture de tronçons de route car impossibilité de circuler sur ces patinoires glacées) ou lorsque des dépôts de poussière viennent se loger dans les interstices de la surface de roulement.

Une alternative : la chaussée béton ?

Les revêtements en béton de ciment commencèrent à être utilisés en France au début du XXe siècle, et c’est à partir de 1924 que fut lancé un important programme de conversion en béton de vieux empierrements et d’anciens pavages, notamment sur la route nationale 43 entre Lillers et Chocques.
Il fallut attendre encore un peu pour trouver une utilisation systématique des liants hydrauliques dans la construction routière. Le traitement des sols naturels au ciment se développa aux États-Unis vers 1930.
Dès 1933, on entre véritablement dans la période industrielle, d’abord en Allemagne, puis en Belgique, aux Pays-Bas et en France.

En France, c’est à partir de 1958, avec la construction de l’autoroute A6, que la technique des chaussées en béton se développe, s’inspirant de l’expérience californienne.

 La chaussée béton : c’est quoi ?

La chaussée béton, composée de granulats (graves, sable et ciment) n’a cessé d’évoluer depuis ses premières applications.
De la dalle avec joints, brossée et rainurée, on est passé au béton armé coulé en continu ainsi qu’à des traitements spécifiques tel que le “dénuage chimique” qui augmente la rugosité - donc l’adhérence - en faisant ressortir le gravier en surface.

Les caractéristiques principales du béton sont sa rigidité et sa résistance aux contraintes thermiques, qui en font le matériau de choix pour les pistes d’aéroport.
De quoi expliquer une durée de vie d’au moins 30 ans, trois fois supérieure à celle de l’enrobé bitumineux.

Inconvénient majeur de cette solidité : le renouvellement d’une chaussée béton suppose sa démolition complète et par conséquent, de gros moyens matériels et financiers.

Principalement à cause de son prix, environ 30% plus cher que le bitume, on voit apparaître un compromis : la chaussée composite qui est un mélange bitumineux en partie basse et du béton en surface.

 La route demain...

Quel sera l’aspect de la route demain ?
Les principales innovations viendront de transferts de technologies nouvelles.

Les cadres de recherche européens Drive et Prometheus vont progressivement modifier de fond en comble, d’une part, les systèmes d’exploitation, les processus de liaison écrite ou vocale entre le sol et le véhicule, et les dispositifs de passage rapide aux entrées et sorties sous péage ; d’autre part, la conception des véhicules roulants avec notamment l’intervention d’aides à la conduite, au contrôle et à la navigation (applications de l’intelligence artificielle à l’automatisation de la conduite automobile avec, en particulier, le maintien d’une distance minimale entre véhicules ).

En phase de développement, ces dispositifs accroîtront les capacités autoroutières (circulation « en convoi » un peu comme les trains - alors pourquoi ne pas le prendre, le train ?), la sécurité (procédures anticollision, détection d’obstacles ) et la qualité de service (confort de conduite ).

Cependant, il n’est pas exclu que certains dispositifs se heurtent au rejet psychologique des usagers refusant de « céder le volant » à l’électronique ou paniqués à l’idée de devoir interpréter de multiples informations complémentaires.
L’évolution vers la « route intelligente » sera vraisemblablement assez lente.

P.-S.

Inspirations de textes et études et encyclopédies diverses :
Encyclopédie Universalis
Encyclopédie Hachette
Roman Scobeltzine - article dans le quotidien Auto