A votre avis, quelle chance y a-t-il que vous ayez à l’instant même inspiré une molécule d’air exhalée par César en rendant son dernier souffle ?

La réponse est surprenante :

La probabilité que cela vienne effectivement de se produire, là, tout de suite, à l’instant, est supérieure à 99 %.

Oui, vous avez bien lu !
En deux inspirations, vous êtes sûr d’avoir respiré une partie du même air que notre ami Jules César !

A l’intention des sceptiques, petite explication :

Partons de l’hypothèse qu’après plus de deux mille ans, les molécules exhalées par César se sont répandues à peu près uniformément dans le monde et que la grande majorité d’entre elles sont toujours libres dans l’atmosphère.

Je sais, ce point est discutable, car les molécules se combinent entre elles, avec d’autres élements, et ne restent pas là, sagement, dans l’atmosphère...

Quelques probabilités

Sur la base de ces assertions (tout à fait raisonnables), déterminer ladite probabilité ne pose aucun problème :

  • S’il existe M molécules d’air de par le monde et si Jules César en a exhalé C en mourrant, la probabilité qu’une molécule provienne de César est de {C\over M}.
  • La probabilité complémentaire (qu’aucune molécule inhalée ne provienne de César) est donc de {1 - {C\over M}}.
  • En vertu de la règle du produit, si vous inspirez trois molécules il y a { {\left( 1 - {C\over M} \right)} X {\left( 1 - {C\over M} \right)} X {\left( 1 - {C\over M} \right)} =  \left( 1 - {C\over M} \right) ^ 3} chances qu’elles ne proviennent pas de Jules César.
  • Si vous en inspirez N (de molécules), cette probabilité est donc de {\left( 1 - {C\over M} \right) ^ N}.
  • Par conséquent, il y a {1 - {\left( 1 - {C\over M} \right) ^ N}} chances que le contraire se produise, et que vous inhaliez au moins une molécule exhalée par Jules César.

Valorisation

  • Nous avons comme données :
    - Un litre d’air contient en moyenne N = 6,0221353 1023 molécules [1].
    - Une inspiration fait à peu près un litre d’air, IL = 1 litre,
    soit un nombre de molécules I = IL x N = 6,0221353 1023 molécules (ici c’est aussi N).
    - Jules César, en mourrant, a expiré CL = 5 litres,
    soit un nombre de molécules C = CL x N = 3 1023 molécules (on arrondit un peu).
    - L’atmosphère terrestre comporte environ AL = 4 1021 litres d’air,
    soit encore un nombre total de molécules de M = AL x N = 24 1044 molécules (ici aussi... un petit arrondi).
  • Et comme postulats et hypothèses :
    - Une inspiration (ou une expiration) ne changera pas la composition de l’atmosphère.
    - Les molécules sont uniformément mélangées et homogènes dans l’atmosphère terrestre.
    - Les molécules expirées par Jules César ne se sont pas recombinées à d’autres molécules.

Calculs

Probabilité = {1 - {\left( 1 - \frac{2,2.10 ^ {22}}{10 ^ {44}} \right) ^ {2,2.10 ^ {22}}}} = {1 - {\left( 1 - 2,2.10 ^ {-22} \right) ^ {2,2.10 ^ {22}}}
Probabilité = {1 - {\left( 0,99999999999999999999978 \right) ^ {2,2.10 ^ {22}} }
Probabilité {\longrightarrow 0,99999999 \cdots 99999999 }

Qui est supérieure à 99 % !

CQFD !

Cas concret

- Supposons que vous êtes dans un ascenceur avec quelqu’un qui a une bonne grippe.
- Supposons que cette personne est encore vecteur du virus.
- Supposons que vous restiez suffisament de temps dans cet espace confiné pour que tout le volume d’air soit homogène.
- Supposons aussi que vous n’êtes pas un champion de l’apnée, et que vous ayez au moins effectué une inspiration.

LA grande question est : “ Quelles sont les chances que vous attrapiez la grippe ?

Alors ?
A votre avis ?

P.-S.

  • Bon, il y a beaucoup d’approximations, la démonstration est un peu farfelue, mais si vous prenez le nombre d’Avogadro, le volume de la pellicule atmosphérique, et tout, et tout ... et bien vous tombez, grosso modo, à la même valeur !
  • Illustration : « La mort de Jules César » par Vincenzo Camuccini (1768-1844).

Notes

[1] C’est le nombre d’Avogadro (du physicien Amedeo Avogadro), ou constante d’Avogadro : le nombre d’entités dans une mole. Il correspond au nombre d’atomes de Carbone dans 12 grammes de l’isotope 12 du Carbone. De par sa définition la constante d’Avogadro possède une dimension, l’inverse d’une quantité de matière, et une unité d’expression dans le système international : la mole à la puissance moins un.