Par une belle journée ensoleillée, un sage roulait dans sa voiture, perdu dans de profondes réflexions.
Soudain, la voiture s’arrêta.
Le sage se pencha au-dehors et aperçu, au milieu du chemin, un petit garçon qui jouait à construire une ville avec des tessons.
Le gamin le regarda , mais ne bougea pas pour dégager le chemin.

Le sage lui dit :
- “Eh bien, gamin, tu ne veux pas laisser passer ma voiture ?

Le petit bout d’homme le regarda de bas en haut et répondit :
- “Je n’y suis pour rien, monsieur. Vous voyez bien que je construit une ville. Et ce n’est pas au mur d’une ville de s’écarter pour laisser passer une voiture, mais à la voiture de suivre le mur de la ville.

Le sage fut étonné de cette réponse.
Il mit pied à terre, s’approcha de l’enfant et lui dit :
- “Dis donc, gamin, tu me parais d’une intelligence peu commune pour ton âge !

L’enfant répondit :
- “Pourquoi donc ? À l’âge de trois jours, le lièvre court et saute dans les champs.
Pourquoi ne saurais-je pas deux ou trois petites choses à l’âge de sept ans ?

Le sage sourit et demanda :
- “Si tu veux, je vais te poser plusieurs questions. Et si tu réponds, je pourrais croire, en effet, que tu as quelques connaissances.
- “Je suis prêt !” dit l’enfant.
- “Dans ce cas”, repris le sage, “dis-moi quel est le feu qui ne donne pas de fumée ? Quelle est l’eau où ne vit aucun poisson ? Qu’elle est la montagne qui n’a pas de pierres ? Quel est l’arbre sur lequel ne pousse aucune branche ?

L’enfant réfléchi et répondit :
- “Le feu du ver luisant n’as pas de fumée. L’eau de source ne contient pas de poissons. La dune de sable n’a pas de pierres. Sur un arbre pourri, il ne pousse pas de branches.

Le sage écoutait plein d’admiration, les réponses de l’enfant.
Mais il n’avait pas eu le temps de placer un mot que les yeux du gamin pétillèrent de malice et qu’il dit :
- “Je peux à mon tour vous demander quelque chose ?
- “Demande !” répondit le sage.
- “Mais à une condition : si vous ne trouvez pas la réponse, vous devez contourner ma ville de tessons.
- “Je suis prêt !” dit le sage en souriant.
- “Dites-moi combien il y a d’étoiles dans le ciel.
- “Mon cher enfant”, dit le sage, “pourquoi m’interroges-tu sur des choses aussi éloignées de nous ? Questionnes-moi sur quelque chose de plus proche et je te répondrai.
- “Eh bien”, repris le gamin, “dites-moi, s’il vous plaît, combien il y a de poils dans vos sourcils ?

Le sage se mit à rire.
Vraiment, c’est un comble !
Un petit enfant s’était montré plus fin que lui !
Il remonta en souriant dans sa voiture et ordonna au cocher de contourner la ville de tessons que construisait le gamin.

P.-S.

« La farandole », Contes de Chine
Illustration représentant l’entrée principale d’Angcor Wat, gravure de E. Thérond sur une photographie de M. Gsell.